Comment restaurer la confiance dans la technologie

Comment restaurer la confiance dans la technologie

Reconnaissance faciale, 5G, intelligence artificielle, traçage numérique… Force est de constater une montée de la défiance à l’égard d’innovations pourtant censées améliorer son quotidien.

Je comprends tout à fait certaines de ces interrogations.  Elles sont légitimes et en débattre est important. Et lorsqu’elles portent sur des applications dans des environnements où des vies sont en jeu comme le transport, la sécurité ou la défense, il est essentiel d’y répondre : ce n’est, en effet, qu’en levant doutes et incertitudes que l’on pourra créer ou restaurer la confiance indispensable à leur acceptation par les citoyens.

Chez Thales, nous sommes conscients de l’importance de ces sujets et contribuons à y répondre en développant des solutions technologiques qui correspondent aux besoins vitaux de nos sociétés. Nous y consacrons d’importants moyens. Humains d’abord, grâce à nos forces vives, nos 33 000 ingénieurs en R & D et nos 3 000 chercheurs ; financiers ensuite, avec plus d’1 milliard d’euros de R & D autofinancée l’an dernier ; en déployant, enfin, une politique ouverte d’innovation : 1 000 start-ups référencées depuis cinq ans, 30 accords-cadres conclus avec des universités et des centres de recherche à travers le monde et 20 laboratoires créés avec des instituts de recherche*.

Notre mission ne se limite pas à innover mais également à créer de l’innovation que j’appellerais « éclairée ».  Expliquer, faire preuve de transparence, certifier et prendre des engagements éthiques sont à mes yeux les clés qui permettront de redonner confiance dans la technologie, non comme une fin en soi, mais comme source de progrès pour l’humanité. Toutefois, comment accorder sa confiance à un outil, à une technologie dont on ne comprend pas le fonctionnement alors même qu’elle peut apporter des réponses aux problèmes, qui peuvent parfois sembler insurmontables, d’un monde toujours plus complexe ?

C’est tout le sens de la raison d’être de notre Groupe : « Construisons ensemble un avenir de confiance ». Une entreprise doit jouer un rôle sociétal en s’engageant auprès de ses parties prenantes (collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires, Etats et Gouvernements, etc.) ; un rôle d’autant plus essentiel à l’heure où s’installent les fake news, la méfiance, voire le ressentiment.

 « Pour avoir confiance en quelqu’un, il faut bien entendu le connaître, il en va de même pour les innovations technologiques »

Certes, les avancées technologiques ont toujours suscité des interrogations ou des peurs. Souvenons-nous des craintes suscitées par les premières locomotives à vapeur ou des révoltes des luddites britanniques et des canuts français contre les premiers métiers à tisser mécaniques.

Mais aujourd’hui, cette réaction est amplifiée par un phénomène de méconnaissance due à la nature virtuelle de nombre de ces innovations. Les ouvriers du 19e siècle savaient plus ou moins intuitivement comment fonctionnait un métier à tisser mécanique et nos aïeux comprenaient globalement le procédé qui faisait avancer les trains à vapeur ou les premières automobiles. Leurs craintes étaient avant tout liées aux bouleversements entraînés par ces nouvelles machines, peur de perdre leur emploi pour les uns, angoisse créée par cette sorte d’abolition de l’espace-temps pour les autres.

De nos jours, la plupart des utilisateurs de smartphones ignorent tout de leur fonctionnement intrinsèque, confient leurs dossiers les plus personnels au « cloud » dont ils savent peu de choses. Quant à l’IoT, l’internet des objets dont on parle abondamment, qui sait de quoi il est fait ?  

Or pour avoir confiance en quelqu’un, il faut bien entendu le connaître, savoir d’où il vient et quelles sont ses intentions. Il en va de même pour les innovations technologiques. La confiance se nourrit de la connaissance. A l’inverse, l’ignorance engendre fantasmes, peurs, approximations et contre-vérités.

Pour instaurer ou restaurer la confiance entre l’Homme et la technologie, il n’y a qu’une voie : l’éducation. Si le rôle de l’école, dans son sens large, est ici fondamental en enseignant les bases du fonctionnement des outils technologiques qui sont aujourd’hui notre quotidien, les entreprises de la « tech » ont également un rôle prépondérant à jouer.

« Une technologie sera bénéfique ou néfaste à la collectivité humaine selon ce que ses utilisateurs en feront »

Pour apparaître comme des acteurs dignes de confiance, elles doivent impérativement faire preuve de responsabilité et de transparence. Leurs efforts d’innovation, leurs relations avec leurs clients doivent s’accompagner d’un travail de pédagogie en profondeur.

Car une technologie n’est ni bonne ni mauvaise en elle-même. Elle sera bénéfique ou néfaste à la collectivité humaine selon ce que ses utilisateurs en feront… Encore faut-il que ces utilisateurs, c’est-à-dire les citoyens que nous sommes, puissent avoir un avis éclairé et se prononcer en toute connaissance de cause.

Convaincre l’opinion publique des bénéfices d’une technologie est souvent difficile. Ainsi, la découverte de la radioactivité, source de grands progrès dans le domaine médical, a ouvert la voie aux armes de destruction massive. Faut-il imputer la responsabilité de ces usages dommageables à Marie Curie ? Ou à ceux qui en ont fait un usage plus critiquable ?

Aujourd’hui, les nouvelles peurs s’appellent cybercriminalité, traçage, prise de contrôle par la «machine»… Ces peurs, nous ne les combattrons qu’en expliquant et en faisant preuve de transparence. C’est le sens de la démarche que nous avons adoptée en matière d’intelligence artificielle par exemple. Cette approche, Thales TrUE AI, plaide pour une intelligence artificielle de confiance qui soit transparente (Transparent : lisible, s’en tenant à des spécifications, des règles du jeu clairement établies), compréhensible (Understandable : capable de justifier la raison et la mise en œuvre d’une décision, et ce dans un langage compréhensible par l’humain) et éthique (Ethical : conforme aux cadres légaux et moraux).

Dans le même esprit, nous publions chaque année des rapports sur la menace cybercriminelle Il ne s’agit pas tant pour Thales de promouvoir ses dernières solutions que d’éclairer sur des sujets d’intérêt aussi bien technologique que sociétal.

Ce travail de pédagogie, qui s’applique aussi à la coopération quotidienne que nous entretenons avec nos clients, est notre responsabilité. Parce que je suis convaincu que l’intelligence humaine fait partie intégrante de la réponse aux grands défis de notre époque et qu’il n’y a pas de problème que la science et le progrès ne puissent résoudre.


*CNRS, CEA, Alan Turing Institute (Royaume Uni), Nanyang Technological University (Singapour), IVADO (Canada), Indian Institute of Technology (India), etc.

François de MAIGRET

Retraité, curieux de l'évolution du monde du travail.

3y

Nous devons nous méfier de propos qui nous feraient croire que les machines pensent alors qu'elles calculent. https://www.linkedin.com/posts/fran%C3%A7ois-de-maigret-694aa9186_la-machine-qui-pense-activity-6770991556682899457-9aUg

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Dominique Vandenberghe

Je suis le changement et je vous aide à entrer dans la danse du changement

3y

Pour donner confiance dites la vérité clairement et sans détour au sujet non seulement des technologies elles-mêmes mais de leurs usages

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Michel Zarka

Strategy and Transformation Advisor

3y

Merci pour cet article et cette prise de position. L’adoption d’une technologie est une affaire sociétale en effet. Les chercheurs, les enseignants,les usagers, les entreprises, gouvernements et tous les acteurs individuels et collectifs influeront sur l’usage, la diffusion, les bénéfices humains et économiques mais aussi sur les dérives, déviations ou risques associés à ces technologies nouvelles plus ou moins préhensiles par chaque individu. Il n’y a ni technologie uniformément bénéfique, ni adoption uniformément bienveillante. C’est pourquoi la vigilance, le débat , la transparence ( au sens du partage de la connaissance), voire les polémiques engendrées notamment lorsqu’il s’agit d’intrusion dans la vie de chacun ou dans les domaines BNIC ( BioNanoInfoCognitio) sont capitales. C’est à ce titre qu’au delà de la position de P Caine , très positive, la question du secret ou du partage sur les connaissances associées aux innovations générées par des acteurs publics ou privés ,sources à la fois de profits pour certains acteurs, de bien-être pour le plus grand nombre et de risques pour tous, est primordiale pour engendrer la confiance.

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